Leslie Shaw est président du Forum on Islamic Radicalism and Management (FIRM), professeur à l’ESCP et docteur en sciences économiques
AUDACE : Le 16 novembre prochain vous organisez avec le Forum on Islamic Radicalism and Management (FIRM) la première conférence internationale sur la radicalisation islamiste en entreprise. Quelle est selon vous l’ampleur du phénomène en France ?
Leslie Shaw : La poussée planifiée et agressive de pratiques religieuses islamistes a commencé dans le secteur de la construction automobile au milieu des années 1980 et s’est poursuivie à la RATP, à la Mairie de Paris et à ADP au début du siècle et surtout après les attentats du 11 septembre 2001. Aujourd’hui la radicalisation islamiste touche presque tous les secteurs d’activités, de l’industrie de l’énergie aux les compagnies aériennes en passant par les hôtels, restaurants, centres commerciaux…
A : Pourquoi le principe de laïcité n’endigue pas ce phénomène ?
LS : En France, le principe de laïcité n’est sensé s’appliquer qu’aux services publics. Dans le secteur privé, le Code du Travail stipule que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ». Dans ce cadre, l’entreprise est placée dans une logique d’accommodement raisonnable et doit concilier l’efficience de son organisation et les convictions religieuses de ses salariés musulmans. Or, ces accommodements peuvent être perçus comme des droits supplémentaires au seul bénéfice de la catégorie de salariés pour laquelle ils sont mis en œuvre, et s’avèrent donc discriminants pour les autres catégories.
A : Les instances patronales et syndicales agissent-elles contre la propagation de l’islamisme ?
LS : Il y a plusieurs années le MEDEF a créé une commission chargée d’étudier la « montée du fait religieux en entreprise » et de trouver « des outils à mettre à la disposition des chefs d’entreprise confrontés à ce phénomène ». Cette initiative s’est soldée par un échec, car sur le terrain les cadres sont totalement démunis quand il s’agit de faire face à la montée du radicalisme islamiste dans les entreprises privées et publiques, alors que ces dernières sont en principe protégés par le principe de laïcité.
A : D’après ce que vous observez, il s’agit bien phénomène qui touchent tous les pays occidentaux ?
LS : Oui. il s’agit d’un véritable fléau qui se répand dans quasiment toutes les entreprises, non seulement en France mais partout dans le monde, et qui va bien au-delà du prétendu droit à la liberté de conscience. On peut citer quelques exemples :
– Des chauffeurs d’un leader mondial allemand spécialisé en transport et logistique qui distribuent des tracts islamistes aux clients lorsqu’ils livrent des colis et qui transportent des fidèles à la mosquée dans leurs véhicules professionnels.
– Des employés de la banque centrale d’un grand pays européen qui refusent d’obéir à leurs supérieurs hiérarchiques ou de communiquer avec leurs collaboratrices, sous prétexte que celles-ci sont des femmes.
– Des travailleurs dans une usine dans le Wisconsin qui quittent la chaîne de montage aux heures prévues par le calendrier lunaire pour faire la prière en dépit du règlement intérieur de l’entreprise, causant une perte de production qui s’élève à un million de dollars par an.
– Des ouvriers en bâtiment ou des chauffeurs de bus qui refusent de boire de l’eau pendant le ramadan, même en période de forte chaleur, mettant ainsi en péril la sécurité des autres.
Tout ceci sous les applaudissements des partisans du vivre-ensemble, de la liberté individuelle et des droits de l’homme.
A : Justement le radicalisme islamiste ne bénéficie-t-il pas d’une complicité passive de ceux que vous appelez les experts auto-proclamés du « fait religieux » ?
LS : Tout à fait. Certains d’entre eux recommandent aux cadres de traiter les revendications islamistes de façon neutre, sans aucune référence à la religion. D’autres prétendent que les individus tentés par la radicalité sont rarement insérés dans les entreprises et sont même éloignés du marché du travail. Tous prônent le dialogue et sont d’accord qu’il s’agit de phénomènes isolés.
L’étude mené par le FIRM sur le radicalisme islamique sur le lieu de travail auprès des entreprises démontre tout le contraire. Les conflits liés à des salariés se réclamant d’un islam radical éclatent au grand jour et se répandent partout. Le phénomène a pris une telle ampleur que les codes de bonne conduite ne suffisent plus à l’endiguer. Il ne s’agit pas de l’expression normale d’un culte (qui de toute façon n’a pas sa place dans un environnement professionnel) mais d’un comportement délibéré créant un sérieux dysfonctionnement et une perturbation du vivre-ensemble dans le monde du travail.
A : Qu’allez-vous présenter lors de la conférence du 16 novembre ?
LS : Nous avons lancé une grande consultation des entreprises via un sondage en ligne dont nous dévoilerons les résultats le 16 novembre. Ce sondage est toujours disponible sur le lien : # . En quelques minutes et de manière totalement anonyme, toutes les entreprises peuvent contribuer à notre étude.
Plus largement, nous accueilleront les plus éminents spécialistes mondiaux du radicalisme islamiste, ainsi que des responsables de grandes entreprises. Une large gamme de sujets sera abordée : de l’aménagement des pratiques religieuses, jusqu’à la détection de la radicalisation, des attentats meurtriers contre les cibles vulnérables, jusqu’à la guerre juridique menée contre les employeurs, du micro-financement du djihad, en passant par la sécurité, jusqu’à la protection des employés et des clients.
Le 1er colloque international sur le radicalisme
islamiste sur le lieu de travail est organisé par le Forum on Islamic Radicalism and
Management (FIRM) et American society for industry security (ASIS). Il se
déroulera le 16 novembre au Cercle National des Armées de Paris.
Détails et
inscription : bis.lexisnexis.fr/pages/colloque-firm